
Quelles sont les conditions de transfert de bail pour un logement social ?
-Les articles 14 et 40 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 édictent précisément les règles de transfert de bail pour un logement social, puisqu'il y est indiqué qui peut bénéficier du transfert de bail (ascendant, descendant, conjoint, pacsé etc..), et les conditions spécifiques de revenus et de taille du ménage occupant à remplir dans le cas d'un logement hlm.
Abandon du domicile et décès du locataire
Il existe deux situations prévues à l'article 14 précité, qui permettent à une personne de bénéficier automatiquement du transfert du contrat de location, et ainsi du droit de pouvoir continuer à résider dans un appartement hlm. Il s'agit de l'abandon du logement par le locataire qui a quitté l'appartement ou la maison, et du décès de l'occupant qui de son vivant était donc titulaire du bail signé.
Concernant la catégorie de proches concernés dans le cadre d'un abandon de logement, il est prévu que le contrat de location continue :
- au profit du conjoint;
- au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile ;
- au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile.
Lorsque le locataire décède, les bénéficiaires en droit d'obtenir que le contrat de location leur soit attribué sont identiques. En effet, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant ;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
Classiquement, l'abandon du logement se matérialise par un départ brusque et imprévisible du locataire de l'appartement. Ce sera le cas par exemple en cas de rupture d'un couple lorsque la locataire concubine déménage son mobilier dans un autre lieu d'habitation pendant que son concubin est au travail (Cour de Cassation, Chambre civile 3 du 15 avril 1992, n° 90-16.042, Publié au bulletin) ou dans le cas où la mère locataire abandonne les lieux d'habitation suite à des divergences de famille avec son enfant, en l'occurrence sa fille, sans esprit de retour (Cour de cassation, Chambre civile 3ème, 8 juillet 2009, 08-16.992, Publié au bulletin).
La jurisprudence a évolué vers une appréciation plus souple de l'abandon du logement. il sera retenu un départ définitif imposé à l’un des bénéficiaires du transfert du contrat ( cas du placement du père ou de la mère, personne âgée en maison de retraite pour des raisons médicales). il faut essentiellement un départ définitif et non concerté.
Nota: si le locataire a vu son bail résilié par une décision de justice, ou a reçu congé ou a donné congé au bailleur, et en a informé son parent ou proche, il n'y a pas en principe de transfert du contrat de location. Une décision de transfert de bail pourrait être obtenue si le locataire n' a pas jugé utile d'informer les autres occupants du fait par exemple qu'il a donné son préavis pour quitter l'appartement, et déménage sans prévenir.
Le décès sera expressément justifié par un document administratif. Le justificatif type est l'acte de décès qui est la preuve pour le bailleur, mais aussi pour le juge en cas de contentieux de transfert de bail, de la date de fin de vie du locataire.
Cette date est importante, car elle permet, pour l'ascendant, le descendant, le concubin notoire, ou la personne à charge souhaitant reprendre la location à son profit, d'apprécier s'il vivait réellement avec le locataire depuis au moins un an à la date du décès.
Par analogie, il sera tenu compte de la date de l'abandon de domicile pour apprécier la demande de transfert de bail, et déterminer si le parent ou proche résidait effectivement depuis au moins 12 mois à la même adresse que le locataire.
Il faut une véritable communauté de vie. La cohabitation réelle avec le défunt ou la personne ayant quitté le domicile, peut se prouver par l'avis d'imposition qui mentionne la même adresse ou diverses factures et autres documents (carte d'électeur dans la commune de l'ancien locataire, relevé de prestations familiales, relevés bancaires etc...).
Il faut éviter qu'il y ait des contradictions au niveau des pièces: ce sera le cas si on produit une attestation d'inscription à une université dans une région et une facture de téléphone à l'adresse concernée située dans une autre région. Il doit y avoir une cohérence en définitive.
La jurisprudence a pu estimer toutefois que « le fait que la fille de la locataire ait été titulaire d'un bail portant sur un autre logement à la date du décès n'exclut pas tout droit au transfert du bail dès lors qu'elle vivait effectivement avec sa mère depuis un an à la date du décès Ce transfert s'impose aux parties ( CA Paris, 4e ch., 29 nov. 2016, n° 15/05029 : JurisData n° 2016-025827 ) » ou encore la domiciliation administrative à une autre adresse n'est pas un obstacle au transfert du bail ( CA Paris, 6e ch. C, 13 mars 2007, n° 05/11660 : JurisData n° 2007-328587 ).
La condition d'avoir à justifier d'une cohabitation n'est pas applicable à l'époux ou au pacsé, puisque l'un et l'autre sont cotitulaires du contrat de location selon l'article 1751 du code civil, même si l'époux ou le pacsé n'est pas signataire du bail. Il est précisé que les partenaires d'un pacs doivent avoir fait conjointement une demande auprès du bailleur social d'être cotitulaires du bail antérieurement à l'abandon du logement ou au décès. A défaut, la personne pacsée pourra justifier qu'elle est signataire d'un pacs et qu'elle remplit par cette seule qualité la condition pour la reprise du contrat de location à son nom. Elle devra en faire la demande au bailleur.
Le conjoint ou le pacsé qui réside dans le logement bénéficie ainsi d'une protection particulière à l'égard du propriétaire qui ne pourra pas le contraindre à quitter le logement, au motif que le bail est résilié d'office. S'il ne réside pas dans le logement, une demande de transfert pourra être faite au bailleur.
En cas de demandes multiples, par exemple un descendant et un concubin notoire qui se disputent le bail, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
Si aucune personne ne remplit les critères prévus par la loi, le contrat de location est résilié d'office par le décès du locataire ou par l'abandon du domicile par ce dernier.
Les ressources et la taille du ménage requises pour un transfert d'un logement social hlm
L'article 40 précité de la loi du 06 juillet 1989 prévoit des règles supplémentaires pour obtenir le transfert du bail dans une résidence hlm gérée par un bailleur social :
Le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat doit pouvoir remplir les conditions d'attribution, c'est-à-dire qu'il doit être éligible à un logement social au regard de ses ressources qui ne doivent pas dépasser le plafond requis par le bailleur social ; et le logement doit être adapté à la taille du ménage. Le logement ne doit pas être ainsi trop grand en fonction de la composition familiale.
L'article L.621-2 du code de la construction et de l'habitation évoque la notion de "locaux insuffisamment occupés" et les définit comme des locaux comportant un nombre de pièces habitables supérieur de plus d'un au nombre de personnes qui y ont effectivement leur résidence principale. De façon simple, la sous-occupation est avérée dans l'hypothèse d'une personne seule qui habite dans un appartement de type T3/T4/T5/T6.
On peut signaler qu'une fratrie peut former un ménage. Il a été ainsi jugé que le bail peut faire l'objet d'un transfert commun aux trois frères et soeur qui vivaient ensemble dans les lieux depuis de nombreuses années et que le ménage devait être entendu dans son acception de cellule économique et familiale (Cour de cassation, Chambre civile 3ème , 25 mars 2015, 14-11.043, Publié au bulletin).
Important: les règles relatives aux ressources et d'adaptation du logement à la taille du ménage ne sont pas requises envers le conjoint, le partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles et les personnes de plus de soixante-cinq ans.
Cette disposition facilite donc la possibilité de transfert de bail.
Cependant, lorsque le bénéficiaire du transfert est un descendant remplissant les critères de ressources, mais pour lequel le logement est inadapté à la taille du ménage, l'organisme bailleur peut proposer un relogement dans un logement plus petit pour lequel l'intéressé est prioritaire.
Cette faculté de proposer un logement plus petit n'est ouverte que pour les logements sociaux hlm non conventionnés. il faut vérifier dans une telle situation à quel type de logement est soumis le bail.
Le bailleur n'a aucune obligation légale de proposer un logement plus petit. C'est une option dont il dispose à sa convenance.
Point de jurisprudence à noter: Un arrêt de la 3ème chambre civile de la cour de cassation en date du 20 octobre 2016 (15-19.091, Publié au bulletin) a considéré que les conditions d'attribution d'un logement définies par l'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, notamment la condition tenant au fait que ces logements sont attribués aux personnes physiques séjournant régulièrement sur le territoire français dans des conditions de permanence définies par arrêté, ne sont pas applicables au concubin notoire qui remplit les conditions de transfert du bail prévues par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989.
Un transfert de bail hlm peut-il donner lieu a une augmentation automatique du loyer ?
La réponse est non, sauf l'augmentation du loyer prévue au bail selon l’indice de référence de révision des loyers (IRL) . En cas d'abandon de domicile, il est bien dit que le contrat continue au profit des personnes bénéficiaires, ce qui signifie que le bail se poursuit dans les mêmes termes que pour l'ancien occupant. Le parent ou le proche "récupère" le bail en cours. Concernant le paiement du loyer, il est précisé qu'en cas de dette de loyer, il ne sera pas tenu de régler l'arriéré de loyers.
En cas de décès du locataire, le bail est transféré. Cela signifie également qu'il va se poursuivre de la même façon que pour l'ancien occupant. Il n'y a pas non plus reprise de la dette de loyer. Cependant, en qualité d'héritier, il pourra être tenu de régler les loyers dus.
Quelles démarches pour demander un transfert de bail ?
Le transfert de bail se fait en théorie automatiquement par l'effet de la loi quand les critères légaux sont remplis. En pratique, et afin de prévenir toute difficulté, il est fortement conseillé de se manifester par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du bailleur social hlm afin de solliciter qu'un bail ou un avenant au bail soit signé au nom du bénéficiaire. L'objet de cette lettre est de détailler votre situation personnelle.
Il convient d'adresser les justificatifs de l'abandon de domicile ou du décès, ainsi que ceux exigés en fonction de votre qualité auprès de l'ancien occupant ou du défunt (justificatifs de ressources, preuves de cohabitation, certificat médical pour une personne handicapée etc..). Il va devenir officiellement le nouveau titulaire du titre locatif.
Quand un transfert de bail est refusé, le bailleur social a-t-il l’obligation de reloger la famille ?
La réponse est non. Comme indiqué, le bailleur social d'un logement non conventionné peut uniquement proposer un logement plus petit au descendant qui remplit la condition de ressources.
Face au refus du bailleur social, il n'est pas possible pour l'occupant de se prévaloir des dispositions de l'article L.442-3-1 du code de la construction et de l'habitation qui dispose qu'"en cas de sous-occupation du logement, le bailleur propose au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins, nonobstant les plafonds de ressources prévus".
En effet, cette disposition protectrice ne s'applique qu'au locataire et non à l'occupant qui n'en a pas le statut par définition. Une décision de justice a constaté d'une part que "le logement n'était pas adapté à la situation de M. X... qui vivait seul dans les lieux, et que celui-ci ne pouvait prétendre au transfert du bail à son profit "; et d'autre part que " l'article L. 442-3-1 du code de la construction et de l'habitation ne s'applique qu'aux rapports entre l'organisme d'HLM et le locataire, et que le bailleur social n'était pas tenu de proposer un relogement à M. X... qui n'avait pas la qualité de locataire" (Cour de cassation, Chambre civile 3ème , 20 décembre 2018, 18-10.124, Publié au bulletin)..
En cas de maintien dans le logement, le risque est que le propriétaire décide d'engager une procédure judiciaire et de s'adresser au tribunal pour obtenir une expulsion. Face à ce type de situation, il existe les solutions administratives et juridiques suivantes: demander des délais au juge pour quitter les lieux (12 mois au maximum), déposer un dossier au titre du droit au logement opposable (dalo) au motif de la menace d'expulsion et/ou que vous êtes dépourvu de logement étant devenu occupant sans droit ni titre, effectuer aussi une demande de logement social au service adéquat de votre commune.
Astuce: il peut être opportun en amont pour le père ou la mère de penser à mettre son enfant majeur en qualité de codemandeur dans le dossier de demande de logement social dans l'hypothèse d'un décès ou d'un abandon de domicile qui interviendrait à une date par définition inconnue. L'enfant sera cotitulaire de facto du bail, puisqu'il aura signé le contrat. Cette demande peut être faite en cours de bail, mais risque d'être plus difficilement accepté.
Le cabinet d’avocat propose au public concerné un service de conseil et d'accompagnement juridique dans cette situation particulièrement fréquente. Il est important d'avoir accès aux informations utiles.
Sources pour la jurisprudence et les textes cités :
Code des baux,
Code de la construction et de l'habitation,
Code civil,
Légifrance
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